7 Septembre 1812 : Bataille de la Moskova.
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7 Septembre 1812 : Bataille de la Moskova.
7 Septembre 1812 : Bataille de la Moskova.
La bataille de la Moskova, que les Russes appellent bataille de Borodino, fait référence à la rivière qui coulait non loin du champ de bataille. Elle s'est déroulée le 7 septembre 1812 (26 août dans le calendrier julien). Elle fut la plus importante et la plus sanglante confrontation de la campagne de Russie, impliquant plus de 250 000 hommes pour des pertes estimées à 100 000 hommes. La Grande Armée commandée par Napoléon Ier, repoussa l'armée impériale russe sous les ordres de Mikhaïl Koutouzov, près du village de Borodino, à l'ouest du village de Mojaïsk. Les Français s'emparèrent des principales fortifications russes, dont la redoute Raevsky et les « flèches » defendues par Piotr Bagration qui fut tué lors de l'assaut, mais ils ne réussirent pas à détruire l'armée russe. Environ 30 000 soldats français sur 130 000 furent tués ou blessés au cours de la bataille. Les pertes russes furent de 45 000 sur 112 000 combattants
La bataille prit fin avec la retraite de l'armée russe, laquelle se retira en bon ordre. La bataille de la Moskova est la plus importante de la campagne de Russie : elle marque la dernière action offensive des Français sur le sol russe. En se retirant, les Russes sont encore en état de combattre, ce qui leur permettra de bouter les troupes françaises hors de la Russie.Ils ouvrent aussi la route de Moscou que la Grande Armée atteindra une semaine plus tard, le 14 septembre. Elle y restera jusqu'au 19 octobre, jour où débute le retour, bientôt catastrophique, de la Grande Armée.
La Grande Armée avait commencé l'invasion de la Russie en juin 1812. Les forces russes, initialement massées le long de la frontière polonaise, reculèrent devant les Français en appliquant la politique de la terre brûlée selon la tactique de Michel Barclay de Tolly, le commandant en chef de l'armée russe. Ce dernier a bien tenté d'établir une ligne défensive solide face à la Grande Armée, mais ses efforts furent à chaque fois ruinés par la rapidité de l'avance française.
Napoléon marcha sur Moscou à partir de Vitebsk. La Grande Armée est cependant mal préparée pour une campagne terrestre prolongée. En effet sa base logistique la plus proche est Kovno, située à 925 kilomètres de Moscou, et le dépôt de ravitaillement de Smolensk est situé à 430 km de la capitale russe. Les lignes d'approvisionnement françaises sont donc particulièrement vulnérables aux attaques des partisans russes. Néanmoins, l'envie d'une bataille décisive pousse Napoléon à passer à l'action.
Pendant ce temps, les conflits entre les subordonnés de Barclay empêchent les Russes d'établir une stratégie commune. La politique de terre brûlée de Barclay est perçu comme une réticence à combattre. Le tsar, lassé de cette stratégie, nomme un nouveau commandant en chef russe le 29 août : le prince Mikhaïl Koutouzov. Ce dernier n'est pas considéré par ses contemporains comme l'égal de Napoléon, mais il est cependant préféré à Barclay car il est ethniquement russe (contrairement à Barclay qui a des origines écossaises), et est très populaire dans l'entourage du tsar.
Koutouzov attendit cependant que les Français (avec de nombreux Polonais et Bavarois) soient à 125 km de Moscou pour accepter la bataille. Le 30 août, il ordonne une nouvelle retraite à Gshatsk. Le rapport de force reste à l'avantage des Français, mais il est désormais de 5:4 contre 3:1 auparavant. Koutouzov établit alors sa ligne défensive dans une zone facile à défendre, près du village de Borodino. À partir du 3 septembre, Koutouzov renforça la position avec des travaux de terrassements, notamment la redoute Raevski dans le centre droit russe, et les « flèches » de Bagration sur la gauche.
La bataille de Chevardino.
L'armée russe est disposée au sud de la route de Smolensk, sur laquelle la Grande Armée progresse. Érigée sur une butte, la redoute de Chevardino, située près du village du même nom, constitue la gauche russe. Voulant percer la ligne défensive russe, les Français prennent position au sud et à l'ouest du village après un bref mais sanglant prélude à la bataille principale.
L'affrontement proprement dit débuta le 5 septembre, quand la cavalerie du maréchal français Joachim Murat rencontra celle du comte russe Konovnitsyne. La furieuse mélée qui s'ensuivit tourna à l'avantage des Français et les Russes battirent en retraite lorsque leur flanc gauche fut menacé. Le 6 septembre, les hostilités reprirent mais Konovnitsyne dut retraiter de nouveau lorsque le 4e corps d'armée du prince Eugène de Beauharnais renforça Murat et menaça le flanc russe. Les Russes se replièrent sur la redoute de Chevardino. Murat donne l'ordre au 1er et 2e corps de cavalerie, respectivement commandés par les généraux Nansouty et Montbrun, d'attaquer la redoute. Ils sont soutenus par la division Compan et le premier corps d'infanterie du maréchal Davout. Au même moment, l'infanterie de Poniatowski attaque la redoute par le sud. Les Français s'emparent de la redoute en perdant 4 000 hommes. Les Russes perdent quant à eux 7 000 hommes. L'avance inattendue des Français plongea les Russes dans le désarroi. L'effondrement de leur flanc gauche les contraignit à ériger une position défensive de fortune autour du village d'Outitsa.
Forces en présence.
Armée russe.
L'armée russe aligne, de gauche à droite, les corps de Toutchkoff, de Borozdine, de Raevski, de Doctorov, d'Ostermann, et de Baggovut. Le corps de Constantine forme la réserve russe. Les éléments de cavalerie russes sont commandés par Silvers, Pahlen, Kork, Platov et Ouvaroff. L'aile gauche est commandée par Bagration, l'aile droite par Barclay de Tolly, qui appuient leurs lignes défensives sur un système de redoutes. La plus importante, la redoute Raevsky, au centre avec 18 canons, est prolongée au sud par trois autres retranchements : les « flèches » de Bagration. Les forces russes présentes le jour de la bataille comprenaient 180 bataillons d'infanterie, 164 escadrons de cavalerie, 20 régiments de cosaques, et 55 batteries d'artillerie (640 pièces d'artillerie au total)1. Au total, les Russes ont engagé 103 800 hommes. Toutefois, 7 000 cosaques, ainsi que 10 000 miliciens russes présents ce jour-là n'ont pas été engagés dans la bataille.
Grande Armée.
Positionnée près de Chevardino, à 2,5 km des lignes russes, la Grande Armée dispose, de gauche à droite, des corps d'Eugène de Beauharnais, de Ney et de Davout, appuyés au sud par l'infanterie de Poniatowski et les forces de cavalerie de Nansouty, de Montbrun et de Latour-Maubourg. La Garde impériale et les corps de Junot, de Grouchy et de Murat constituent la réserve. La Grande Armée comprend 214 bataillons d'infanterie, 317 escadrons de cavalerie et 587 pièces d'artillerie pour un total de 124 000 soldats. Cependant, la garde impériale, qui dispose de 109 canons et qui comprend 30 bataillons d'infanterie et 27 escadrons de cavalerie pour un total de 18 500 hommes, n'a pas été engagée dans la bataille.
Déroulement.
Les flèches.
L'artillerie du général Friant canonne les flèches de Bagration.
La bataille commence à 6 heures du matin, par une préparation d'artillerie contre le centre russe, menée par 102 canons. Mais les Français perdent ensuite un temps précieux à les déplacer, car ils sont trop loin des lignes russes. Davout donne l'ordre aux divisions Compans et Desaix d'attaquer la flèche située la plus au sud. Canonnés par l'artillerie russe, Compans et Desaix sont blessés, mais les Français parviennent à avancer. Voyant la confusion, Davout dirige alors personnellement la 57e brigade, jusqu'au moment où son cheval est abattu. Davout tombe si lourdement qu'il est signalé mort au général Sorbier. Le général Rapp est envoyé sur place pour le remplacer, mais Davout est vivant et toujours à la tête de la 57e brigade. Rapp prend alors la tête de la 61e brigade avant d'être blessé (pour la 22e fois de sa carrière). À 7 heures, Napoléon engage les corps de Ney, puis de Junot, pour venir en aide à Davout ; ce dernier conquiert enfin les trois flèches vers 7 heures 30. Mais les Français sont repoussés par une contre-attaque russe menée par Bagration. Ney relance un assaut contre les flèches, et parvient à les reprendre vers 10 heures. Barclay envoie alors 3 régiments de la garde, 8 bataillons de grenadiers et 24 canons sous le commandement de Baggovut pour renforcer le village de Semionovskoïe, au nord des flèches. Le retour offensif de Baggovut déloge les Français des flèches, mais Ney les reprend à nouveau à 11 heures. Le maréchal français en est de nouveau chassé, mais il conquiert définitivement la position vers 11 heures 30. Napoléon hésite à engager la garde impériale, qui constitue ses dernières réserves, si loin de France.
La redoute Raevsky.
Les cuirassiers saxons de Latour-Maubourg attaquent les cuirassiers russes. La redoute Raevsky se trouve à droite, dans la fumée. À l'arrière-plan, on distingue l'église de Borodino.
Pendant ce temps, Eugène de Beauharnais pénètre dans Borodino après de durs combats contre la Garde russe, et progresse vers la redoute principale. Cependant ses troupes perdent leur cohésion, et Eugène doit reculer sous les contre-attaques russes. Le général Delzons se place alors devant Borodino pour protéger le village. Au même moment, la division Morand progresse au nord de Semionovskoïe, tandis que les forces d'Eugène franchissent la Kalatcha en direction du Sud. Eugène déploie alors une partie de son artillerie, et commence à faire refluer les Russes derrière la redoute. Appuyés par l'artillerie d'Eugène, les divisions Morand et Broussier progressent et prennent le contrôle de la redoute. Barclay lui-même doit rallier le régiment Paskévitch en déroute. Koutouzov ordonne alors au général Iermolov de reprendre la redoute ; disposant de trois batteries d'artillerie, ce dernier ouvre le feu contre la redoute tandis que deux régiments de la garde russe chargent la position. La redoute repasse alors aux mains des Russes.
L'artillerie d'Eugène continue à pilonner les Russes alors qu'au même moment, Ney et Davout canonnent les hauteurs de Semionovskoïe. Barclay envoie des renforts à Miloradovitch, qui défend la redoute tandis qu'au plus fort de la bataille, les subordonnés de Koutouzov prennent toutes les décisions pour lui : selon les écrits du colonel Clausewitz, le général russe semble être « en transe ». Avec la mort du général Koutaïsov, qui commandait l'artillerie russe, une partie des canons, situées à l'arrière des lignes russes, sont inutilisés, tandis que l'artillerie française fait des ravages dans les rangs russes.
À 14 heures, Napoléon ordonne un nouvel assaut contre la redoute. Les divisions Broussier, Morand, et Gérard doivent charger la redoute, appuyés par la cavalerie légère de Chastel à droite et par le second corps de cavalerie de réserve à gauche. Le général Caulaincourt ordonne aux cuirassiers de Wathier de mener l'attaque contre la redoute. Observant les préparatifs français, Barclay déplace alors ses troupes pour renforcer la position, mais elles sont canonnées par l'artillerie française. Caulaincourt mène personnellement la charge et parvient à enlever la redoute, mais il est tué par un boulet. La charge de Caulaincourt fait refluer la cavalerie russe qui tente de s'opposer à elle, tandis que la gauche, où Bagration a été mortellement blessé, et le centre russe, sévèrement mis à mal, donnent des signes de faiblesse. À ce moment, Murat, Davout et Ney pressent l'empereur, qui dispose de la garde impériale en réserve, de l'engager pour porter l'estocade finale à l'armée russe, mais celui-ci refuse.
Fin de la bataille.
Barclay demande alors à Koutouzov de nouvelles instructions, mais ce dernier se trouve sur la route de Moscou, entouré de jeunes nobles et leur promettant de chasser Napoléon. Toutefois, le général russe se doute bien que son armée est trop diminuée pour combattre les Français. Les Russes se retirent alors sur la ligne de crête située plus à l'est. Napoléon estime que la bataille reprendra le lendemain matin, mais Koutouzov, après avoir entendu l'avis de ses généraux, ordonne la retraite vers Moscou. La route de la capitale russe est ouverte à la Grande Armée.
Pertes.
Les pertes sont très élevées dans les deux camps.
La Grande Armée perd environ 30 000 hommes : selon P. Denniee, inspecteur aux revues de la Grande Armée, il y aurait eu 6 562 morts, dont 269 officiers, et 21 450 blessés2. En revanche, selon l'historien Aristide Martinien, les Français perdent au total 1 928 officiers morts ou blessés, incluant 49 généraux.
Les Russes perdent environ 44 000 hommes, morts ou blessés, dont 211 officiers morts et 1 180 blessés. 24 généraux russes furent blessés ou tués, dont Bagration qui meurt de ses blessures le 24 septembre et Toutchkov4.
Du côté français, le manque de ravitaillement, suite à l'allongement des lignes d'approvisionnement, pour les soldats valides fait que certains blessés meurent de faim ou de négligences dans les jours qui suivent la bataille.
Conséquences.
Les Français prirent Moscou (à 125 km) le 14 septembre. Le soir même, d'immenses incendies ravagent la ville. Les derniers feux seront éteints le 20 septembre au soir. Moscou, essentiellement construite en bois, est presque entièrement détruite. Privés de quartiers d'hiver et sans avoir reçu la capitulation russe, les Français sont obligés de quitter la capitale russe le 18 octobre pour entamer une retraite catastrophique.
La bataille de la Moskova est considérée comme une victoire tactique française. Elle ouvre la voie de Moscou à Napoléon. Les pertes françaises, quoique très importantes, restent inférieures au nombre de morts et blessés russes. Toutefois, l'Empire russe a aussi revendiqué la victoire, les troupes s'étant repliées en bon ordre. La Russie affirma sa revendication sur la victoire en nommant une classe de cuirassé Classe Borodino à la fin du XIXe siècle. En 1949, l'URSS fonda la ville de Borodino dans le kraï de Krasnoïarsk..
Critique.
Tolstoï, notamment, estime que l'erreur principale de Napoléon aurait été de ne pas avoir utilisé la garde impériale, troupe d'élite de son armée, pour emporter définitivement le centre russe et obtenir une victoire décisive. Il aurait préservé la garde impériale pour la bataille suivante pour prendre Moscou, bataille qui n'a jamais eu lieu.
Littérature.
Guerre et Paix : Dans Guerre et Paix, Léon Tolstoï détaille particulièrement cette bataille et s'emploie à démontrer que la bataille de Borodino est une victoire stratégique russe, car :
- Tolstoï estime que les quatre points essentiels des ordres de Napoléon n'ont pas été complètement exécutés : les batteries françaises étaient hors de portée de leurs objectifs, le contournement de l'aile gauche russe par Poniatowski fut empêché par Toutchkov, la division de Compans ne put pas s'emparer des premiers retranchements russes et Murat ne put pas aller au-delà du village de Borodino: « Ainsi aucune des prescriptions ne fut et ne pouvait être exécutée ».
- Il nie la victoire française « Napoléon savait bien, avec sa grande expérience, ce que signifiait une bataille où, après huit heures d'efforts, l'assaillant n'a pu obtenir la victoire, il savait que c'était une bataille presque perdue » et soutient la revendication de Koutouzov qui revendique la bataille comme une victoire russe « Le soir du 26 août, et Koutouzov et l'armée russe étaient persuadés que la bataille de Borodino était gagnée ; et c'est ce que Koutozov écrivit à l'empereur ».
- L'issue de la bataille convainc l'armée russe que le rapport des forces lui devient favorable : « Jusqu'à la bataille de Borodino, nos forces comparées à celles de français étaient dans un rapport de cinq à six; après Borodino, dans un rapport de un à deux »; « l'obscure conscience du soldat que le rapport des forces était à présent inversé et que l'avantage se trouvait de notre coté ».
Selon Tolstoï, la bataille s'inscrirait donc dans la stratégie de guerre d'attrition adoptée (malgré eux) par les Russes. Le repli de Koutouzov n'est que tactique (Tolstoï insiste peu sur les pertes subies par l'armée russe). En comparant la bataille au choc de deux boules, l'une lourde et rapide et l'autre plus légère et immobile, il écrit: « Avec l'élan qui lui avait été imprimé, l'armée française était encore capable de rouler jusqu'à Moscou ; mais là, sans que l'armée russe eût eu à faire de nouveaux efforts, elle devait périr, perdant son sang par la blessure mortelle reçue à Borodino ».
Balzac.
Dans Le Médecin de campagne d'Honoré de Balzac, Goguelat, ancien soldat de Napoléon raconte dans une grange, à la veillée, les moments les plus violents de la bataille de la Moskova. Ces récits considérés comme des contes et légendes ont d'ailleurs été publiés séparément dans deux revues.
La bataille de la Moskova, que les Russes appellent bataille de Borodino, fait référence à la rivière qui coulait non loin du champ de bataille. Elle s'est déroulée le 7 septembre 1812 (26 août dans le calendrier julien). Elle fut la plus importante et la plus sanglante confrontation de la campagne de Russie, impliquant plus de 250 000 hommes pour des pertes estimées à 100 000 hommes. La Grande Armée commandée par Napoléon Ier, repoussa l'armée impériale russe sous les ordres de Mikhaïl Koutouzov, près du village de Borodino, à l'ouest du village de Mojaïsk. Les Français s'emparèrent des principales fortifications russes, dont la redoute Raevsky et les « flèches » defendues par Piotr Bagration qui fut tué lors de l'assaut, mais ils ne réussirent pas à détruire l'armée russe. Environ 30 000 soldats français sur 130 000 furent tués ou blessés au cours de la bataille. Les pertes russes furent de 45 000 sur 112 000 combattants
La bataille prit fin avec la retraite de l'armée russe, laquelle se retira en bon ordre. La bataille de la Moskova est la plus importante de la campagne de Russie : elle marque la dernière action offensive des Français sur le sol russe. En se retirant, les Russes sont encore en état de combattre, ce qui leur permettra de bouter les troupes françaises hors de la Russie.Ils ouvrent aussi la route de Moscou que la Grande Armée atteindra une semaine plus tard, le 14 septembre. Elle y restera jusqu'au 19 octobre, jour où débute le retour, bientôt catastrophique, de la Grande Armée.
La Grande Armée avait commencé l'invasion de la Russie en juin 1812. Les forces russes, initialement massées le long de la frontière polonaise, reculèrent devant les Français en appliquant la politique de la terre brûlée selon la tactique de Michel Barclay de Tolly, le commandant en chef de l'armée russe. Ce dernier a bien tenté d'établir une ligne défensive solide face à la Grande Armée, mais ses efforts furent à chaque fois ruinés par la rapidité de l'avance française.
Napoléon marcha sur Moscou à partir de Vitebsk. La Grande Armée est cependant mal préparée pour une campagne terrestre prolongée. En effet sa base logistique la plus proche est Kovno, située à 925 kilomètres de Moscou, et le dépôt de ravitaillement de Smolensk est situé à 430 km de la capitale russe. Les lignes d'approvisionnement françaises sont donc particulièrement vulnérables aux attaques des partisans russes. Néanmoins, l'envie d'une bataille décisive pousse Napoléon à passer à l'action.
Pendant ce temps, les conflits entre les subordonnés de Barclay empêchent les Russes d'établir une stratégie commune. La politique de terre brûlée de Barclay est perçu comme une réticence à combattre. Le tsar, lassé de cette stratégie, nomme un nouveau commandant en chef russe le 29 août : le prince Mikhaïl Koutouzov. Ce dernier n'est pas considéré par ses contemporains comme l'égal de Napoléon, mais il est cependant préféré à Barclay car il est ethniquement russe (contrairement à Barclay qui a des origines écossaises), et est très populaire dans l'entourage du tsar.
Koutouzov attendit cependant que les Français (avec de nombreux Polonais et Bavarois) soient à 125 km de Moscou pour accepter la bataille. Le 30 août, il ordonne une nouvelle retraite à Gshatsk. Le rapport de force reste à l'avantage des Français, mais il est désormais de 5:4 contre 3:1 auparavant. Koutouzov établit alors sa ligne défensive dans une zone facile à défendre, près du village de Borodino. À partir du 3 septembre, Koutouzov renforça la position avec des travaux de terrassements, notamment la redoute Raevski dans le centre droit russe, et les « flèches » de Bagration sur la gauche.
La bataille de Chevardino.
L'armée russe est disposée au sud de la route de Smolensk, sur laquelle la Grande Armée progresse. Érigée sur une butte, la redoute de Chevardino, située près du village du même nom, constitue la gauche russe. Voulant percer la ligne défensive russe, les Français prennent position au sud et à l'ouest du village après un bref mais sanglant prélude à la bataille principale.
L'affrontement proprement dit débuta le 5 septembre, quand la cavalerie du maréchal français Joachim Murat rencontra celle du comte russe Konovnitsyne. La furieuse mélée qui s'ensuivit tourna à l'avantage des Français et les Russes battirent en retraite lorsque leur flanc gauche fut menacé. Le 6 septembre, les hostilités reprirent mais Konovnitsyne dut retraiter de nouveau lorsque le 4e corps d'armée du prince Eugène de Beauharnais renforça Murat et menaça le flanc russe. Les Russes se replièrent sur la redoute de Chevardino. Murat donne l'ordre au 1er et 2e corps de cavalerie, respectivement commandés par les généraux Nansouty et Montbrun, d'attaquer la redoute. Ils sont soutenus par la division Compan et le premier corps d'infanterie du maréchal Davout. Au même moment, l'infanterie de Poniatowski attaque la redoute par le sud. Les Français s'emparent de la redoute en perdant 4 000 hommes. Les Russes perdent quant à eux 7 000 hommes. L'avance inattendue des Français plongea les Russes dans le désarroi. L'effondrement de leur flanc gauche les contraignit à ériger une position défensive de fortune autour du village d'Outitsa.
Forces en présence.
Armée russe.
L'armée russe aligne, de gauche à droite, les corps de Toutchkoff, de Borozdine, de Raevski, de Doctorov, d'Ostermann, et de Baggovut. Le corps de Constantine forme la réserve russe. Les éléments de cavalerie russes sont commandés par Silvers, Pahlen, Kork, Platov et Ouvaroff. L'aile gauche est commandée par Bagration, l'aile droite par Barclay de Tolly, qui appuient leurs lignes défensives sur un système de redoutes. La plus importante, la redoute Raevsky, au centre avec 18 canons, est prolongée au sud par trois autres retranchements : les « flèches » de Bagration. Les forces russes présentes le jour de la bataille comprenaient 180 bataillons d'infanterie, 164 escadrons de cavalerie, 20 régiments de cosaques, et 55 batteries d'artillerie (640 pièces d'artillerie au total)1. Au total, les Russes ont engagé 103 800 hommes. Toutefois, 7 000 cosaques, ainsi que 10 000 miliciens russes présents ce jour-là n'ont pas été engagés dans la bataille.
Grande Armée.
Positionnée près de Chevardino, à 2,5 km des lignes russes, la Grande Armée dispose, de gauche à droite, des corps d'Eugène de Beauharnais, de Ney et de Davout, appuyés au sud par l'infanterie de Poniatowski et les forces de cavalerie de Nansouty, de Montbrun et de Latour-Maubourg. La Garde impériale et les corps de Junot, de Grouchy et de Murat constituent la réserve. La Grande Armée comprend 214 bataillons d'infanterie, 317 escadrons de cavalerie et 587 pièces d'artillerie pour un total de 124 000 soldats. Cependant, la garde impériale, qui dispose de 109 canons et qui comprend 30 bataillons d'infanterie et 27 escadrons de cavalerie pour un total de 18 500 hommes, n'a pas été engagée dans la bataille.
Déroulement.
Les flèches.
L'artillerie du général Friant canonne les flèches de Bagration.
La bataille commence à 6 heures du matin, par une préparation d'artillerie contre le centre russe, menée par 102 canons. Mais les Français perdent ensuite un temps précieux à les déplacer, car ils sont trop loin des lignes russes. Davout donne l'ordre aux divisions Compans et Desaix d'attaquer la flèche située la plus au sud. Canonnés par l'artillerie russe, Compans et Desaix sont blessés, mais les Français parviennent à avancer. Voyant la confusion, Davout dirige alors personnellement la 57e brigade, jusqu'au moment où son cheval est abattu. Davout tombe si lourdement qu'il est signalé mort au général Sorbier. Le général Rapp est envoyé sur place pour le remplacer, mais Davout est vivant et toujours à la tête de la 57e brigade. Rapp prend alors la tête de la 61e brigade avant d'être blessé (pour la 22e fois de sa carrière). À 7 heures, Napoléon engage les corps de Ney, puis de Junot, pour venir en aide à Davout ; ce dernier conquiert enfin les trois flèches vers 7 heures 30. Mais les Français sont repoussés par une contre-attaque russe menée par Bagration. Ney relance un assaut contre les flèches, et parvient à les reprendre vers 10 heures. Barclay envoie alors 3 régiments de la garde, 8 bataillons de grenadiers et 24 canons sous le commandement de Baggovut pour renforcer le village de Semionovskoïe, au nord des flèches. Le retour offensif de Baggovut déloge les Français des flèches, mais Ney les reprend à nouveau à 11 heures. Le maréchal français en est de nouveau chassé, mais il conquiert définitivement la position vers 11 heures 30. Napoléon hésite à engager la garde impériale, qui constitue ses dernières réserves, si loin de France.
La redoute Raevsky.
Les cuirassiers saxons de Latour-Maubourg attaquent les cuirassiers russes. La redoute Raevsky se trouve à droite, dans la fumée. À l'arrière-plan, on distingue l'église de Borodino.
Pendant ce temps, Eugène de Beauharnais pénètre dans Borodino après de durs combats contre la Garde russe, et progresse vers la redoute principale. Cependant ses troupes perdent leur cohésion, et Eugène doit reculer sous les contre-attaques russes. Le général Delzons se place alors devant Borodino pour protéger le village. Au même moment, la division Morand progresse au nord de Semionovskoïe, tandis que les forces d'Eugène franchissent la Kalatcha en direction du Sud. Eugène déploie alors une partie de son artillerie, et commence à faire refluer les Russes derrière la redoute. Appuyés par l'artillerie d'Eugène, les divisions Morand et Broussier progressent et prennent le contrôle de la redoute. Barclay lui-même doit rallier le régiment Paskévitch en déroute. Koutouzov ordonne alors au général Iermolov de reprendre la redoute ; disposant de trois batteries d'artillerie, ce dernier ouvre le feu contre la redoute tandis que deux régiments de la garde russe chargent la position. La redoute repasse alors aux mains des Russes.
L'artillerie d'Eugène continue à pilonner les Russes alors qu'au même moment, Ney et Davout canonnent les hauteurs de Semionovskoïe. Barclay envoie des renforts à Miloradovitch, qui défend la redoute tandis qu'au plus fort de la bataille, les subordonnés de Koutouzov prennent toutes les décisions pour lui : selon les écrits du colonel Clausewitz, le général russe semble être « en transe ». Avec la mort du général Koutaïsov, qui commandait l'artillerie russe, une partie des canons, situées à l'arrière des lignes russes, sont inutilisés, tandis que l'artillerie française fait des ravages dans les rangs russes.
À 14 heures, Napoléon ordonne un nouvel assaut contre la redoute. Les divisions Broussier, Morand, et Gérard doivent charger la redoute, appuyés par la cavalerie légère de Chastel à droite et par le second corps de cavalerie de réserve à gauche. Le général Caulaincourt ordonne aux cuirassiers de Wathier de mener l'attaque contre la redoute. Observant les préparatifs français, Barclay déplace alors ses troupes pour renforcer la position, mais elles sont canonnées par l'artillerie française. Caulaincourt mène personnellement la charge et parvient à enlever la redoute, mais il est tué par un boulet. La charge de Caulaincourt fait refluer la cavalerie russe qui tente de s'opposer à elle, tandis que la gauche, où Bagration a été mortellement blessé, et le centre russe, sévèrement mis à mal, donnent des signes de faiblesse. À ce moment, Murat, Davout et Ney pressent l'empereur, qui dispose de la garde impériale en réserve, de l'engager pour porter l'estocade finale à l'armée russe, mais celui-ci refuse.
Fin de la bataille.
Barclay demande alors à Koutouzov de nouvelles instructions, mais ce dernier se trouve sur la route de Moscou, entouré de jeunes nobles et leur promettant de chasser Napoléon. Toutefois, le général russe se doute bien que son armée est trop diminuée pour combattre les Français. Les Russes se retirent alors sur la ligne de crête située plus à l'est. Napoléon estime que la bataille reprendra le lendemain matin, mais Koutouzov, après avoir entendu l'avis de ses généraux, ordonne la retraite vers Moscou. La route de la capitale russe est ouverte à la Grande Armée.
Pertes.
Les pertes sont très élevées dans les deux camps.
La Grande Armée perd environ 30 000 hommes : selon P. Denniee, inspecteur aux revues de la Grande Armée, il y aurait eu 6 562 morts, dont 269 officiers, et 21 450 blessés2. En revanche, selon l'historien Aristide Martinien, les Français perdent au total 1 928 officiers morts ou blessés, incluant 49 généraux.
Les Russes perdent environ 44 000 hommes, morts ou blessés, dont 211 officiers morts et 1 180 blessés. 24 généraux russes furent blessés ou tués, dont Bagration qui meurt de ses blessures le 24 septembre et Toutchkov4.
Du côté français, le manque de ravitaillement, suite à l'allongement des lignes d'approvisionnement, pour les soldats valides fait que certains blessés meurent de faim ou de négligences dans les jours qui suivent la bataille.
Conséquences.
Les Français prirent Moscou (à 125 km) le 14 septembre. Le soir même, d'immenses incendies ravagent la ville. Les derniers feux seront éteints le 20 septembre au soir. Moscou, essentiellement construite en bois, est presque entièrement détruite. Privés de quartiers d'hiver et sans avoir reçu la capitulation russe, les Français sont obligés de quitter la capitale russe le 18 octobre pour entamer une retraite catastrophique.
La bataille de la Moskova est considérée comme une victoire tactique française. Elle ouvre la voie de Moscou à Napoléon. Les pertes françaises, quoique très importantes, restent inférieures au nombre de morts et blessés russes. Toutefois, l'Empire russe a aussi revendiqué la victoire, les troupes s'étant repliées en bon ordre. La Russie affirma sa revendication sur la victoire en nommant une classe de cuirassé Classe Borodino à la fin du XIXe siècle. En 1949, l'URSS fonda la ville de Borodino dans le kraï de Krasnoïarsk..
Critique.
Tolstoï, notamment, estime que l'erreur principale de Napoléon aurait été de ne pas avoir utilisé la garde impériale, troupe d'élite de son armée, pour emporter définitivement le centre russe et obtenir une victoire décisive. Il aurait préservé la garde impériale pour la bataille suivante pour prendre Moscou, bataille qui n'a jamais eu lieu.
Littérature.
Guerre et Paix : Dans Guerre et Paix, Léon Tolstoï détaille particulièrement cette bataille et s'emploie à démontrer que la bataille de Borodino est une victoire stratégique russe, car :
- Tolstoï estime que les quatre points essentiels des ordres de Napoléon n'ont pas été complètement exécutés : les batteries françaises étaient hors de portée de leurs objectifs, le contournement de l'aile gauche russe par Poniatowski fut empêché par Toutchkov, la division de Compans ne put pas s'emparer des premiers retranchements russes et Murat ne put pas aller au-delà du village de Borodino: « Ainsi aucune des prescriptions ne fut et ne pouvait être exécutée ».
- Il nie la victoire française « Napoléon savait bien, avec sa grande expérience, ce que signifiait une bataille où, après huit heures d'efforts, l'assaillant n'a pu obtenir la victoire, il savait que c'était une bataille presque perdue » et soutient la revendication de Koutouzov qui revendique la bataille comme une victoire russe « Le soir du 26 août, et Koutouzov et l'armée russe étaient persuadés que la bataille de Borodino était gagnée ; et c'est ce que Koutozov écrivit à l'empereur ».
- L'issue de la bataille convainc l'armée russe que le rapport des forces lui devient favorable : « Jusqu'à la bataille de Borodino, nos forces comparées à celles de français étaient dans un rapport de cinq à six; après Borodino, dans un rapport de un à deux »; « l'obscure conscience du soldat que le rapport des forces était à présent inversé et que l'avantage se trouvait de notre coté ».
Selon Tolstoï, la bataille s'inscrirait donc dans la stratégie de guerre d'attrition adoptée (malgré eux) par les Russes. Le repli de Koutouzov n'est que tactique (Tolstoï insiste peu sur les pertes subies par l'armée russe). En comparant la bataille au choc de deux boules, l'une lourde et rapide et l'autre plus légère et immobile, il écrit: « Avec l'élan qui lui avait été imprimé, l'armée française était encore capable de rouler jusqu'à Moscou ; mais là, sans que l'armée russe eût eu à faire de nouveaux efforts, elle devait périr, perdant son sang par la blessure mortelle reçue à Borodino ».
Balzac.
Dans Le Médecin de campagne d'Honoré de Balzac, Goguelat, ancien soldat de Napoléon raconte dans une grange, à la veillée, les moments les plus violents de la bataille de la Moskova. Ces récits considérés comme des contes et légendes ont d'ailleurs été publiés séparément dans deux revues.
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