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10 janvier 1099 : Décès de Rodrigo Diaz de Vivar, dit Le Cid Campeador.

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Message par Jacknap1948 Mar 10 Jan 2012 - 10:40

10 janvier 1099 : Décès de Rodrigo Diaz de Vivar, dit Le Cid Campeador.
1043 à Vivar (Leon y Castilla, Espagne) - 10 janvier 1099 à Valence (Murcia, Espagne)

Le nom de Rodrigo Diaz de Vivar ne vous dit peut-être rien. Cet Espagnol est en effet mieux connu sous son surnom : le Cid Campeador !

Rendu célèbre en France en 1637 par Pierre Corneille, en Espagne il est depuis longtemps un héros national en dépit d'une moralité contestable. Suivons ses aventures et nous verrons comment il est devenu une des figures les plus populaires de ce pays...

Isabelle Grégor


Sous le signe de la «Reconquista»

Le héros est né dans le village de Vivar, à côté de Burgos, vers 1043, dans une famille de petite noblesse castillane.

Un de ses compagnons de jeux est Sanche, fils aîné du comte de Castille Ferdinand Ier qui tente de libérer son pays des «Maures». Il s'agit de musulmans qui ont débarqué trois siècles plus tôt dans la péninsule et, depuis lors, semblent se plaire sur les terres d'Al-Andalus, où ils ont développé une culture originale, construisant mosquées aux mille colonnes et palais aux jardins légendaires.

Malgré tous ces apports, les seigneurs chrétiens repliés dans les montagnes du nord ne cessent d'éprouver l'amertume de la défaite et aspirent à reconquérir leurs terres. C'est la «Reconquista» (Reconquête en langue castillane ou espagnole).

À la suite de son père, Rodrigo (Rodrigue en français) s'engage sur les champs de bataille, tant contre les rivaux chrétiens de son roi que ses ennemis musulmans, les «reyes de taifa». À peine âgé d'une vingtaine d'années, le voilà maniant l'épée lors du siège de Graus (Aragon) où il participe à la victoire de Ferdinand Le Grand sur Ramire 1er d'Aragon, un autre roi chrétien.

Devenu roi de Castille, Sanche II offre le poste de chef des armées à son ami, dont les faits d'armes sont déjà légendaires. Un combat singulier contre Martin Garcés, champion du roi de Navarre Sanche IV, lui vaut son premier surnom : Campeador (du latin campi doctor : maître d'armes ou maître du champ de bataille). Mais notre guerrier a d'autres talents : il sait lire et écrire mais aussi s'exprime en arabe, la langue des envahisseurs.


La légende d'Al-Sayyid

Le vent tourne avec la mort de Sanche, assassiné devant Zamora (Castille-et-León) en 1072, certainement sur ordre de son frère, Alphonse.

Devenu à son tour roi de Castille sous le nom d'Alphonse VI, celui-ci ne se montre pas ingrat envers Rodrigo et lui donne la main d'une de ses parentes, Jimena (Chimène en français). Mais il ne tarde pas à prendre ombrage de son ambition, de sa brutalité et de son absence de scrupules.

Contraint à l'exil en 1081, Rodrigo propose ses services aux roitelets tant chrétiens que musulmans qui se disputent la péninsule en cette période troublée.

Il entre d'abord au service du roi musulman de Saragosse, qui lui permet de conserver tous les territoires qu'il pourra conquérir. Il manie alors l'épée dans tout l'est de la péninsule, donnant naissance à cette réputation d'invincibilité qui le suivra jusqu'après sa mort. Il devient à jamais le Cid, «le seigneur» (de l'arabe al-sayyid ou sidi).

Les événements s'enchaînent. En 1087, il s'empare de Valence et en devient le «protecteur», faisant fi des prétentions du roi de Castille et du comte de Barcelone. Mais en 1092, la ville est conquise par les Almoravides, de redoutables guerriers venus du Maroc. Leur victoire est sans lendemain.

Rodrigo impose un nouveau siège à la ville et la reprend deux ans plus tard. Ce premier succès des chrétiens face aux Almoravides a un grand retentissement dans toute la péninsule.

Rodrigo a alors toutes les cartes en main pour se constituer un royaume puissant, mais il meurt dans la cinquantaine, le 10 janvier 1099, après avoir vu son fils unique disparaître. Le royaume de Valence devra attendre le XIIIe siècle pour voir le jour.


Quand trop d'orgueil nuit

Alphonse VI a-t-il exilé le Cid pour le punir de son orgueil ? C'est du moins la thèse reprise par Victor Hugo, qui ne lui consacre pas moins de 700 vers dans sa Légende des siècles. Dans le passage suivant, Hugo donne la parole à l'émissaire du roi :

Quand vous lui rapportez, vainqueur, quelque province,
Le roi trouve, et ceci de nous tous est compris,
Que jamais un vassal n'a salué son prince,
Cid, avec un respect plus semblable au mépris.
Votre bouche en parlant sourit avec tristesse ;
On sent que le roi peut avoir Burgos, Madrid,
Tuy, Badajoz, Léon, soit ; mais que Son Altesse
N'aura jamais le coin de la lèvre du Cid.

Victor Hugo, «Le Cid exilé», La Légende des siècles (1877)


Une dépouille sans repos

L'épouse de Rodrigo, Chimène, va réussir à conserver la ville jusqu'en 1102 mais elle doit finalement l'évacuer face au retour des musulmans. Elle part avec toutes ses richesses, sans oublier la plus précieuse : le cadavre de son époux ! A-t-il vraiment voyagé attaché assis sur son cheval ? Aurait-il même participé ainsi à une bataille aux côtés du fameux saint Jacques ? Rien n'est moins sûr...

Le Cid Campeador trouve le repos au monastère de Saint-Pierre de Cardeña, mais pas pour longtemps : on dit que ses restes ont été volés par un soldat de Napoléon, avant d'être de nouveau rassemblés, à l'exception de quelques fragments conservés par le grand collectionneur Dominique-Vivant Denon, le fondateur du musée du Louvre.

Si aujourd'hui vous voulez lui rendre visite, il faut vous rendre à la cathédrale de Burgos. Vous l'y verrez aux côtés de Chimène et, bien sûr, d'une reproduction de son épée Tizona, jamais très loin.


La gloire littéraire

Le Cid doit d'être entré dans l'Histoire à sa réputation guerrière mais aussi à l'intérêt que lui portent les poètes et troubadours. De son vivant déjà, il fait l'objet d'un premier Poème du Campeador puis d'une longue biographie, intitulée Historia Roderici (XIIe siècle).

Si les écrivains musulmans le dépeignent comme un dangereux opportuniste, le roi de Castille Alphonse X le place au côté des saints en lui consacrant plus de 80 chapitres de son Estoria de España (fin du XIIIe siècle). La plus ancienne chanson de geste espagnole, El Cantar de mio Cid, est aussi rédigée en son honneur dès le XIIe siècle.

Rodrigue devient donc très vite un mythe, avec les inconvénients inséparables de ce statut : on commence à critiquer ses exploits, voire à nier son existence ! Heureusement, de l'autre côté des Pyrénées, Corneille a perçu la force du personnage et, s'appuyant sur Las Mocedades del Cid de Guillen de Castro (1618), en fait un des héros les plus attachants de la littérature française.

Le XIXe siècle est aussi en Espagne le temps des recherches historiques : le Cid devient le symbole de la Nation, symbole repris par les franquistes qui font élever à Burgos une grande statue du Campeador.


Pierre Corneille et le Cid

Acte I : L'amour est un tyran qui n'épargne personne.

Pauvre Chimène ! Son père, le comte de Gormas, s'apprête à lui choisir un époux. Don Sanche ou don Rodrigue ? Elle préfèrerait sans aucun doute le second, un jeune homme tout simplement parfait.

Mais les affaires de cœur et les affaires d'État ne font pas toujours bon ménage au XIe siècle, à Séville. Voici ce qu'auraient dû se dire le père de Chimène et celui de Rodrigue avant d'en venir aux mains.

Comme deux chenapans, ils n'ont rien trouvé de mieux que de s'envoyer des soufflets pour régler leur crise de jalousie.

Peut-être un peu plus sage ou un peu plus vieux, don Diègue a préféré se retirer, vaincu par l'âge : «O rage ! O désespoir ! O vieillesse ennemie !». Il préfère s'en remettre à la fougue de son fils : «Rodrigue, as-tu du cœur ? [...] Va, cours, vole et nous venge».

Acte II : À moi, Comte, deux mots !

Rodrigue se retrouve donc face au fameux dilemme cornélien : faut-il mieux perdre Chimène ou son honneur ? Ce sera Chimène : il part provoquer en duel le comte et le tue. Son amoureuse, folle de douleur, se précipite pour demander justice au roi, lui-même furibond de voir ses meilleurs guerriers s'entre-tuer : « Son sang sur la poussière écrivait mon devoir ».

Acte III : Mon juge est mon amour, mon juge est ma Chimène

Pendant ce temps Rodrigue, conscient qu'il a commis un acte que n'appréciera guère sa promise, se rend chez elle pour mourir de ses mains. Mais la jeune fille refuse de se faire elle-même justice et le repousse : «Va, je ne te hais point».

Acte IV : Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort / Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port.

Les Mores approchent de la ville : il est temps de partir au combat. Rodrigue décide de prendre la tête des chevaliers pour revenir couvert de gloire et ainsi reconquérir à la fois le royaume et le cœur de Chimène.

La bataille fait rage toute la nuit, sous «cette obscure clarté qui tombe des étoiles».

Finalement, «le combat cessa faute de combattants» : devant le courage des Espagnols, les Mores ont fui.

Chimène, elle aussi, est repartie au combat : puisque Rodrigue s'obstine à ne pas être tué par les Mores, elle demande au roi de lui imposer un duel contre le jeune don Sanche. Elle épousera bien sûr le vainqueur.

Acte V : Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi

Dans un dernier entretien, Chimène réussit à convaincre Rodrigue de ne pas se laisser sottement tuer par don Sanche. Mais du coup, c'est à son tour de subir le dilemme cher à Corneille : vaut-il mieux qu'elle épouse l'assassin de son père ou celui de son aimé ?

Voyant peu après revenir don Sanche, elle s'écroule, ignorant que Rodrigue a envoyé le jeune homme se déclarer vaincu. Finalement elle accepte, devant le roi, la main de Rodrigue, à une condition : qu'il s'éloigne pendant toute une année, le temps de chasser les Mores... et de devenir le Cid.


Le Cid au centre d'une bataille de plumes

En 1637, Pierre Corneille n'est déjà plus un inconnu lorsque tout Paris applaudit la fougue de Rodrigue. Un personnage, cependant, fait grise mine : le cardinal de Richelieu, ministre de Louis XIII, en veut en effet à mort au jeune dramaturge.

Deux ans plus tôt, le Cardinal, passionné de théâtre avait rassemblé la fine fleur des auteurs pour mettre en vers les intrigues que lui-même inventait. Et voilà que ce Corneille a osé quitter le groupe, sous prétexte qu'il ne supportait pas d'être dirigé ! Et comment peut-il avoir l'audace de faire l'éloge d'un héros espagnol, alors même que la France est en guerre contre ce royaume ? Pour qui se prend-il ?

On va donc se venger sur son Cid. Première attaque : le dramaturge, rebaptisé pour l'occasion «la corneille déplumée», se serait contenté de traduire un texte espagnol. Seconde attaque, plus subtile : cette pièce qui met en scène une «fille dénaturée» présente le défaut impardonnable de «choquer les principales règles du poème dramatique». La querelle du Cid est lancée...

Pendant des mois, on va se défier et s'invectiver au nom de contraintes d'écriture strictes héritées de l'Antiquité. L'unité de lieu ? mais on passe son temps à naviguer de la maison de Chimène au palais du roi ! L'unité d'action ? mais que vient faire l'Infante dans cette histoire ? L'unité de temps ? invraisemblable avec l'enchaînement de disputes et de batailles.

Finalement c'est surtout la règle de bienséance qui apporte des cartouches aux adversaires de Corneille : comment Rodrigue peut-il se précipiter chez Chimène alors même qu'il vient de tuer son père ? Ne peut-elle le repousser plus sèchement ? Quel effronté, quelle ingrate !

Finalement, Richelieu fait appel à sa toute nouvelle Académie française qui s'empresse de relever de nombreuses irrégularités dans la pièce. Puis, après un an de controverse, il choisit l'apaisement. Peut-il faire autrement, alors que la pièce ne cesse de triompher ? «Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue»...


Un visage pour le Cid

Parmi les interprètes qui ont prêté leur visage au Cid au théâtre, un nom domine tous les autres, celui de Gérard Philipe (ou Gérard Philippe).

Malgré une blessure à la jambe qui limite ses déplacements sur scène, le jeune comédien obtient un triomphe à Avignon en 1951 dans la mise en scène de Jean Vilar, qui n'hésite pas à déclarer : «Personne n'osera plus monter Le Cid avant trente ans»...

Victime, à trente-sept ans, d'un cancer du foie, Gérard Philipe reste toujours fidèle à ce rôle qui a marqué sa carrière et l'histoire du théâtre français : à sa demande, il est enterré dans son costume de scène avec une simple orchidée posée sur son habit de velours de Grand d'Espagne.

Au cinéma, Le Cid a été interprété par Charlton Heston dans le film homonyme d'Anthony Mann (1961).



Une semaine d'Histoire du 9 Janvier 2012 au 17 Janvier 2012 avec Herodote.net


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À mon très grand ami Patrice († 58).
À ma petite belle-fille Gaëlle († 31).




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Décor "simpliste" sur lequel nous avions rejoué, à 9 joueurs, la Bataille d'Eylau en 1807.
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